Grenoble & Sfax. Prises aux mots

Article publiée le 16 septembre 2020

A travers une discussion apparemment anodine, deux enfants se faisant visiter leur ville, réalisent que Grenoble et Sfax, villes jumelées mais a priori si différentes, ont des mots en partage, si ce n’est des maux… Cet ouvrage, sous la direction de Jean-Michel ROux, vient de paraître aux éditions “L’Atelier de Tissage Urbain”.

Cet ouvrage “sans queue ni tête” peut se lire de gauche à droite comme un livre français ou de droite à gauche comme un livre arabe. Il est polyglotte: français, arabe classique et arabe dialectal de Sfax. Le récit se compose de saynètes saisissant la vie de tous les jours d’enfants espiègles jouant sur les mots. Deux enfants qui se prennent au mot et deux villes dont ils prennent la mesure. Ce livre a été réalisé dans le cadre de la coopération entre les villes de Grenoble et Sfax et de la coopération entre l’Institut d’Urbanisme et de Géographie Alpine de l’U. Grenoble Alpes et de ses partenaires tunisiens.

ROUX Jean-Michel (dir. & textes) et ABDIN Afaf (illustrations), Naceur BAKLOUTI (traduction en arabe classique et dialectal), Prises aux mots. Grenoble & Sfax, Grenoble : L’Atelier de Tissage Urbain, 2019, 68 p, ill et abécédaire. ISBN 978-2-9565409-0-8

 

Grenoble & Sfax. Prises aux mots

 

  1. AUTEURS

  • Jean-Michel Roux, Urbaniste OPQU et Maître de Conférences à l’Institut d’Urbanisme et de Géographie Alpine (Université Grenoble Alpes), direction du projet & textes.
  • Afaf Abdin, Architecte et urbaniste, ex-étudiante et chargée de cours à l’Institut d’Urbanisme et de Géographie Alpine (Université Grenoble Alpes), dessins.
  • Traduction en arabe littéraire et dialectal de Sfax par Naceur Baklouti, chercheur en patrimoine culturel immatériel et littérature ethnique, ancien professeur de muséologie et conservateur de musées, ex-inspecteur du patrimoine, Institut National du Patrimoine (Tunis).

 

  1. HISTORIQUE DU PROJET

Cet ouvrage a une double origine : un projet pédagogique et un projet de coopération internationale entre villes.

Il est d’une part issu d’un projet pédagogique – le « projet polyglotte » – qui a été initié en 2015 au sein de l’Institut d’Urbanisme et de Géographie Alpine (IUGA) de l’Université Grenoble Alpes. Ce projet s’est déroulé pendant deux ans pour mettre en dialogue les promotions anglophones et francophones du master « Urbanisme et Coopération Internationale ». Ces étudiants ont en commun une manière d’envisager leur futur métier d’urbaniste – dans la coopération et l’échange des savoirs – mais aussi des difficultés à travailler ensemble en raison de la barrière linguistique. Le projet visait donc à les faire échanger sur les mots de l’urbanisme et de la ville plus généralement dans leurs langues respectives. Pour donner plus de corps au projet, les étudiants se sont vus proposer de travailler sur Grenoble et une de ses villes partenaires : Sfax en Tunisie.

Les étudiants ont montré que les deux villes avaient des mots et des maux en commun : d’anciennes places fortes avec leur bastille (kasbah), leur porte d’accès (porte de France, bab Diwan), leurs hôtels de ville emblématique et leurs parcs urbains (parc Mistral, parc Touta), leur pollution de l’air, leurs bars à chat ou à chicha, etc.

L’ouvrage est d’autre part issu d’un projet de coopération décentralisée. L’IUGA participe en effet à la coopération entre Grenoble et la deuxième ville tunisienne à travers des ateliers d’urbanisme depuis 2012. Ces ateliers ont généré de nombreux projets tout en devenant un véritable événement culturel dans les deux villes à travers le travail avec les populations et les expositions finales des travaux. La Ville de Grenoble, l’Université de Sfax, le syndicat mixte des transports en commun de Grenoble, la société d’aménagement de Taparura, les associations locales en charge des personnes à mobilité réduite, etc., toutes ont toute passé un jour ou l’autre une commande à l’IUGA pour travailler sur des problématiques liées à l’urbanisme au sens large : les transports et modes de déplacement, l’accessibilité de la ville, le patrimoine architectural et urbain, le lien ville-port, la place et l’usage des équipements sportifs, l’agriculture urbaine, la gestion des déchets, etc.

Dans le prolongement de ce travail pédagogique et de coopération en urbanisme, un enseignant-chercheur (textes) et une étudiante architecte-urbaniste (dessins) ont travaillé pendant trois ans à la production d’un livre illustré d’urbanisme grand public. Ce livre entend présenter ces deux villes l’une à l’autre à travers leurs paysages, leurs ambiances urbaines et les mots/maux qui leurs sont propres. Un chercheur en patrimoine culturel immatériel et littérature ethnique de Sfax a assuré la traduction en arabe littéraire et dialectal de Sfax.

Le format du livre : A5 (23 cm par 17 cm)
Nombre de pages 68 pages, quadricolores.

 

  1. Les principes constitutifs du livre

–          Un livre « sans queue ni tête » qui peut se lire comme un livre européen (de la première de couverture à la dernière page) ou comme un livre arabe, avec un abécédaire en partie centrale.

–          Un livre polyglotte : les enfants s’expriment en français ou en arabe dialectal qui sont les langues parlées quotidiennement dans les deux villes. L’abécédaire, les préfaces et introductions sont en français et arabe classique.

–          Une histoire écrite comme une discussion d’enfants se faisant visiter leur ville. Les deux enfants réalisent que Grenoble et Sfax, villes jumelées mais a priori si différentes, ont des mots en partage, si ce n’est des maux… Deux enfants qui se prennent au mot et deux villes dont ils prennent la mesure.

–          Un récit fait de saynètes saisissant la vie quotidienne dans les deux villes ; une lecture qu’on peut prendre et arrêter à tout moment, selon plusieurs modes :

  • du début à la fin des deux récits de visite,
  • d’un mot à son « miroir ». Chaque mot a son équivalent dans l’autre ville et on peut aller de « corsaire » à Mandrin, d’industrie du gant à industrie de la chaussure, d’oliveraie à noyeraie. On peut aussi transiter par l’abécédaire en pages centrales ou sauter du coq à l’âne…
  • par la découverte dans chaque dessin de signes cachés (vélos, scooters et chats) symbolisant les deux villes.

Une centaine de mots apparaissent soit dans les visites soit dans l’abécédaire. Ils sont tous connectés les uns aux autres. Quelques exemples :

Bar à chats, bar à chicha, Mandrin, corsaires, la Bastille, la Kasbah, « Capitale des Alpes », « Capitale du Sud », Bab Diwan, Porte de France, marché de l’Estacade, marché de Noël, souks de la médina, marché aux poissons, Fondouk Al Hadadin, industrie de la chaussure, industrie du gant, borj, jnen, jardins ouvriers, noyeraie, noix, noyers, oliveraies, olive, oliviers, ciment, tramway, taxi, parc Touta, parc Mistral, etc., etc.

 

  1. Les principes constitutifs des dessins

Les dessins relèvent de plusieurs types qui ont été conçus spécifiquement pour le projet :

  • Le dessin simple: un dessin noir et blanc avec touches de couleurs représentant une seule ville,
  • Le « fondu »: dessin montrant une transition entre les deux villes. Coupe paysagère imaginaire passant par un « fondu » d’une ville à l’autre. Le lien se fait par les lignes de force du paysage (les crêtes, les câbles des « bulles » ou des fils électriques, les pentes des toits, les antennes télé, les branches des palmiers, etc.) ou des objets et mobiliers urbains (p. ex. les « bulles » ou l’olivier, d’abord en pot puis en forêt),
  • Le « transect » de ville: dessin opérant une transition depuis le grand paysage jusqu’aux détails de la rue, sans souci d’échelle ou de proportion et dont l’unité se fait à travers un élément de la fabrique des villes (p. ex. le ciment à Grenoble depuis les carrières de Voreppe jusqu’à l’Eglise St-Bruno en passant par l’usine Vicat de Sassenage)
  • L’élévation double : représentation d’un linéaire de rues ou de quais montrant chaque série de façades à plat,
  • Le paysage urbain mosaïque: dessin montrant les deux villes dans leur territoire par touches de couleur formant comme des tesselles d’une mosaïque. Ce dessin fait apparaître les grands éléments du paysage urbain (relief, grandes voies, points de repère urbains plus ou moins symbolisés) et les rapports entre espace minéral, végétal et aquatique,
  • Le sommaire linéaire: le sommaire apparaît sous la forme d’un parcours dessiné dans la ville, allant d’un mot du livre à l’autre,
  • Les leitmotiv ou « mots récurrents »: les chats, les vélos et les scooters apparaissent presque systématiquement dans tous les dessins. Ils sont parfois très visibles, parfois cachés dans les « volutes de l’architecture ». Les chats servent de points communs entre les villes, tandis que le vélo symbolise Grenoble et les scooters Sfax. Ils apparaissent alors comme un accident ou une surprise visuelle. Se faisant récurrents mais plus ou moins secrets, ils deviennent l’objet d’un jeu de repérage dans les dessins.