Lieu de mémoire et d’histoire, le Bourg sera métamorphosé par la fermeture du Pont de Zaehringen à l’ouverture du Pont de la Poya en octobre 2014. Changement radical. La nécessité d’une vision nouvelle est là. Mais avant de lancer un projet, la ville de Fribourg a décidé de mettre en œuvre une démarche citoyenne qui a mobilisé plus de cent personnes de milieux et d’horizons différents.
Deux démarches
Hier centre vivant de la ville, aujourd’hui espace de transit, demain lieu de vie, de travail, de détente et de loisir, et de visite touristique, le territoire du Bourg et de la ville historique représente une unité patrimoniale d’une très grande richesse potentielle mais en déclin, aussi bien du point de vue de la population que des commerces ou des aménagements et équipements qui caractérisent ce secteur historique.
L’ouverture du Pont de la Poya va modifier considérablement la donne en matière de transit automobile et la diminution qui va en résulter devra être accompagnée de mesures restrictives si l’on veut éviter de voir remonter rapidement les flux de véhicules traversant le centre à leur valeur initiale.
L’opportunité de reconquérir des espaces de circulation est une occasion unique de réintroduire, au cœur même de la ville ancienne, ”de l’espace public”, en un double sens : celui de l’espace physique et celui du débat public. De manière prospective, il s’agit de favoriser et d’accompagner la mutation qui doit faire passer le Bourg du statut de « centre historique de la ville de Fribourg » à celui de « polarité nouvelle de l’agglomération fribourgeoise ».
Pour cela, la Ville initie une double démarche :
- une démarche de « revitalisation » de la ville historique qui, par le biais d’ateliers et de forum, vise à coordonner dans le temps des actions novatrices commerciales ou culturelles pour tester et renouveler les usages de cette nouvelle polarité ;
- une démarche de « requalification » de la ville historique qui, par le biais des outils urbanistiques, vise à réaliser dans l’espace des projets architecturaux ou urbains pour réhabiliter, réactualiser, équiper et reconvertir les espaces publics de ce nouveau pôle de l’agglomération.
Le premier acte de cette démarche est la requalification du parvis de la Cathédrale.
Dix marches
Comment reconstituer la force et le potentiel d’usages de cet espace majeur de la ville ? Comment lui redonner sa valeur symbolique dans le monde contemporain (et non seulement dans une vision patrimoniale traditionnelle) ? Comment en renouveler la fonctionnalité et y accroître l’intermodalité dans une partition spatiale favorable à des espaces partagés (et non dans une vision opposant l’automobile au piéton) ? Comment en réinterpréter ou y enrichir les usages existants ?
Pour répondre à ces questions, la Ville de Fribourg, secondée par une équipe de mandataires expérimentés, souhaite mettre en œuvre une démarche citoyenne (destinée à initier puis alimenter et accompagner très probablement une procédure de MEP, sur le mode de l’expérience acquise pour les Grand-Places). Fondée sur la consultation d’habitants, des milieux associatifs, de professionnels et de représentants politiques, cette démarche s’appuie notamment sur le montage d’une série de dix ”marches commentées”, au cours desquelles les participants sont invités à « réciter le quartier » – à raconter le lieu tel qu’ils le vivent, tel qu’ils l’observent ou tel qu’ils l’imaginent.
S’inspirant de méthodes initiées dans les milieux de la recherche (laboratoire Cresson, www.cresson.archi.fr), les commentaires sont enregistrés, des appareils photos circulent dans le groupe afin d’illustrer les propos tenus ; à l’issue du parcours, les marcheurs sont réunis dans une salle pour revenir sur l’expérience et redire, à chaud, ce qui rétrospectivement leur paraît le plus important. Chaque marche est ensuite transcrite, consignée et recomposée dans un cahier illustré qui s’efforce de restituer au mieux, sur un mode à la fois concis et lisible, les représentations, les usages et les perceptions du lieu.
Les cahiers sont enfin assemblés, de manière à révéler la diversité des points de vue. La parole des uns est ainsi enrichie de la parole des autres, un croisement des regards et des expériences devient possible. La diversité des points de vue est mise au jour – partagés ou au contraire divergents, bien connus ou au contraire oubliés, majeurs ou au contraire mineurs…
En outre, un suivi vidéographique des marches a été réalisé avec trois objectifs : rendre compte des marches in situ, témoigner des synthèses collectives et documenter l’espace et les ambiances du Bourg en croisant les propos tenus avec son regard indépendant de cinéaste
Un livret et un site internet
Dix marches ont ainsi été réalisées dans le Bourg pendant la semaine du 5 au 10 mai 2014. Le présent livret en est avant tout la restitution : réunissant les dix cahiers correspondants, il recompose une parole collective et une représentation des caractéristiques du lieu qui peut être partagée. S’y ajoute en fin d’ouvrage une extrapolation des enjeux de projet auxquels les concepteurs retenus lors de la procédure de mise en concurrence devront s’efforcer de répondre, ainsi qu’une description des sous-espaces significatifs qui composent le quartier.
Ce livret ne donne donc pas de programme en soi, mais il peut être considéré comme le document fédérateur du projet entre trois types d’acteurs qui sont ou doivent être directement concernés.
- D’abord il constitue pour tout un chacun un témoignage de ce qu’est le Bourg aujourd’hui, avant sa métamorphose. En découvrant les textes qui y sont réunis, chacun peut, habitant ou expert, élu ou riverain, prendre acte de la parole de l’autre et s’accorder sur le partage d’une expérience commune diversifiée.
- Ensuite, il réunit pour le concepteur un éventail de signes de ce que pourrait être le Bourg de demain…. En donnant à lire le conflit des interprétations, des opinions ou des perceptions, il ouvre le débat, fait émerger des usages, des ambiances ou des fonctions latentes, des envies, des non-dits et des évolutions possibles – autant de potentialités pour le projet.
- Enfin, il fournit aux maîtres d’ouvrage, publics et privés, une matière vivante et concrète pour refonder les enjeux de ce territoire, pour initier des programmes complémentaires et négocier les points sensibles ou stratégiques sans figer a priori les conditions de réalisation de tel ou tel projet.
En outre, un site internet permet d’avoir accès au livret en version numérique comme à l’ensemble des productions vidéographiques, géolocalisées sur la carte de la ville de Fribourg.
Un projet de la Ville de Fribourg – Printemps 2014
Une action coordonnée par Pascal Amphoux (Contrepoint) et Nicolas Tixier (BazarUrbain)
Suivi de projet et réalisation du livret : Fanny Deslandres et Laura Achard
Production vidéographique : Julien Perrin
Conception web : Jeremie Bancilhon – Go On Web