Lieux à sentir, construire et partager

Article publiée le 8 mai 2022

Suzel Balez, membre de BazarUrbain a soutenu son Habilitation à Diriger des Recherches le 28 mars 2022 à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble. Son travail porte sur les fragrances architecturales comme expérience olfactive des lieux.

Suzel Balez, membre de BazarUrbain a soutenu son Habilitation à Diriger des Recherches en architecture le 28 mars 2022 à l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble.
Composition du jury :
Monsieur Joël CANDAU, Professeur émérite, Université De Nice Sophia Antipolis, rapporteur
Monsieur Yann NUSSAUME, Professeur, École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La Villette, rapporteur
Monsieur Éric MONIN, Professeur, École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille, rapporteur
Madame Cécile REGNAULT, Professeure, École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon
Monsieur Jean-Paul THIBAUD, Directeur de recherche CNRS, CRESSON / UMR AAU, garant
Résumé

Lieux à sentir, construire et partager

Inscrits dans le creuset de la thématique des ambiances, telle que portée dans le laboratoire Cresson, les travaux présentés dans cette HDR relèvent de deux thématiques principales : les ambiances olfactives d’une part et les transformations des espaces publics d’autre part. Ces « Lieux à sentir, construire et partager » se déclinent dans mon Parcours (volume 1), présentation de mon cheminement scientifique et de ses articulations à mes autres activités professionnelles – l’exercice de l’architecture et l’enseignement.

Fragrances architecturales, l’expérience olfactive des lieux constitue le chapitre principal de cette habilitation (volume 2). J’y redéploie la thématique de ma thèse de doctorat en revisitant les travaux de terrain. Je confronte ces derniers non seulement aux avancées scientifiques contemporaines et à mes autres travaux de recherche mais aussi à mes expériences de l’aménagement du cadre bâti. De fait, dominées par le sens de la vue, les pratiques de conception et de réalisation d’espaces classiques semblent démunies quand il s’agit d’intégrer les caractéristiques odorantes des lieux. Or l’odeur est une des composantes de la qualité de l’air et, au quotidien, c’est surtout par elle que cette qualité est évaluée. L’actuelle pandémie aéroportée vient, de surcroît, raviver des préoccupations toujours renouvelées sur la qualité de l’air.

Les odeurs des lieux relèvent à la fois des sources de molécules odorantes locales, des configurations spatiales et techniques et des statuts des flaireurs par rapport aux lieux et c’est bien de cet ensemble hétérogène dont il faut tenir compte pour appréhender l’odeur comme facteur d’ambiance dans la conception architecturale et urbaine. Par exemple, perçue in situ, une odeur est immédiatement l’objet d’une comparaison avec des attentes olfactives, non seulement en termes qualitatifs mais aussi d’intensité. Cette image olfactive de référence est le plus souvent implicite, en particulier quand l’odeur flairée correspond aux attentes implicites, qui relèvent du statut du flaireur par rapport au lieu – habitué ou néophyte. Alors que la littérature scientifique insiste sur les propriétés mnésiques de l’odeur, un tel phénomène souligne l’importance de la fatigue sensorielle – l’habituation – et de ses échelles spatio-temporelles.

Or, qu’il s’agisse d’installations artistiques ou de dispositifs commerciaux, des mises en œuvre olfactives au mieux disparates et au pire contradictoires peuvent déboucher sur de véritables cacophonies olfactives ou au contraire sur une indistincte odeur blanche, cette fois opposée aux intentions initiales des odorisateurs. Á l’échelle urbaine, la pensée olfactive se limite à des stratégies globales de « lutte contre » et ne se préoccupe guère des identités olfactives des villes et de leurs territoires. Pourtant ces identités sont régulièrement évoquées, par exemple comme arguments touristiques.

De plus, si l’air est un tout qui se joue, à l’heure de l’Anthropocène, à l’échelle de notre planète, c’est individuellement qu’il est inhalé et sensoriellement évalué – y compris olfactivement. Les odeurs nous relient à nos milieux de vie.

Places to feel/smell, build and share

Carved in the theme of ambiences, as carried out by the CRESSON research team, the work presented in this HDR falls under two main themes: olfactory ambiences on the one hand and transformations of public spaces on the other. These “Places to Feel/ Smell, Build and Share” are set out in my Career Path (Volume 1), presentation of my scientific journey and its links to my other professional activities – the practices of architecture and of teaching. Architectural fragrances, the olfactory experience of places constitutes the main chapter of this habilitation (volume 2). I redeploy the theme of my doctoral thesis by revisiting field works. I confront them not only to contemporary scientific advances and to my other research work but also to my experiences of building.

Indeed, dominated by the sense of sight, the practices of design and realization of classical spaces seem to be lacking when it comes to integrating the smell characteristics of the places. Odour is one of the components of air quality and, on a day-to-day basis, this quality is assessed primarily by it. In addition, the current airborne pandemic is rekindling ever-renewed concerns about air quality.

Local odours come from local odorous molecules, spatial and technical configurations and the status of the smellers in relation to the places. It is the heterogeneous set that must be taken into account in order to understand the smell as a part of ambience in the architectural and urban conception. For example, perceived in situ, an odour is immediately compared with olfactory expectations, not only in qualitative terms but also in intensity. This reference olfactory image is most often implicit, especially when the smelled smell corresponds to the implicit expectations, which are related to the status of the smeller in relation to the place – habituated or neophyte. While the scientific literature emphasizes the mnesic properties of smell, such a phenomenon underlines the importance of sensory fatigue – habituation – and its spatial-temporal scales.

However, whether they are artistic installations or commercial devices, the olfactory staging, at best disparate or at worst contradictory, possibly lead to real olfactory cacophonies or on the contrary to indistinct white smell, this time opposed to the original intentions of designers. At the urban level, olfactory thinking is limited to global strategies of «countering» and does not care much about the olfactory identities of cities and their territories. Yet these identities are regularly evoked, for example as tourist arguments.

Moreover, if air is a whole that is played out, at the time of the Anthropocene, on the scale of our planet, it is individually inhaled and sensorily evaluated – including olfactory. Smells connect us to our living environments.