éditorial

S’émouvoir dans l’espace public

par Suzel Balez, Marie-Christine Couic et Xavier Dousson

Chère lectrice, cher lecteur,

Vous voilà en possession du deuxième numéro de Caravansérail, revue du collectif BazarUrbain. Après un premier opus sur l’utopie, celui-ci revient sur une pratique centrale de nos actions et travaux : la marche et, plus largement, les déplacements dans l’espace public. « Se mouvoir », titre de ce numéro, est notre manière d’exprimer la diversité des modalités de déplacements.

Verbaliser en se déplaçant dans l’espace public nous semble un moyen d’accès essentiel à la compréhension et aux enjeux de projet des lieux ainsi arpentés. Les multiples formes d’engagements corporels de terrain ont du sens lorsqu’elles sont au service d’une connaissance élargie des lieux à transformer et de la pertinence dans l’énonciation des enjeux de projet. Les manières de les relier avec des demandes de la maîtrise d’ouvrage (en amont), les analyses produites par d’autres et leurs modalités de restitution (en aval) se trouvent de fait au cœur de nos réflexions et productions.

Toutes nos actions sont entremêlées, toutes nos études et propositions en incessantes résonances les unes avec les autres. Toutes nos manières de faire et de travailler, instables et précaires, en recomposition permanente, s’insèrent dans une pratique collective qui nous apparaît comme un seul fil continu, polysémique et polyglotte, depuis maintenant près de deux décennies. Il s’agit d’une « continuité conceptuelle » qui s’exprime ici de diverses manières. Nous avons par exemple choisi de poursuivre la pagination de ce numéro à partir de la fin du précédent. Ne soyez donc pas troublée ou troublé que ce numéro commence à la page 129 : il s’agit seulement de notre désir d’exprimer cette continuité.

La numérotation des textes, portfolios, dossiers, hommages et contrepoints suit la même logique. Ainsi, par exemple, le premier texte de ce volume porte le numéro 2 !

Cette continuité se formalise également au travers d’un terrain encore largement présent dans ce numéro, la Villeneuve de Grenoble – pour nous emblématique.

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Un premier texte tente une synthèse, bilan prospectif sur ce que recouvrent pour nous les méthodes d’enquête impliquant de l’engagement corporel dans l’espace public. Il est suivi d’un portfolio des très belles photographies des débuts de la Villeneuve de Grenoble par Honoré Parise, qui prolonge celui publié précédem- ment. Le dossier de ce numéro est consacré à un itinéraire très largement inédit avec le philosophe, urbaniste et musicologue Jean-François Augoyard dans cette même Villeneuve, plus de quarante ans après son installation dans le quartier (1972) et ses premières recherches sur celui-ci. La Villeneuve est également au cœur du portfolio suivant, avec une série d’images photographiques insolites choisies par Naïm Aït Sidoum, notre régulier partenaire d’actions, qui déploie des visions contemporaines du quartier articulant une attention fine au réel et des récits fictionnels.

Ce numéro est également émaillé de cinq contrepoints qui situent et prolongent les propos de Jean-François Augoyard, de celui consacré à son ouvrage phare Pas à pas, à ceux mettant en exergue des équipements de la Villeneuve (la « Patate », la Vidéogazette) ou de Grenoble (la Maison de la Culture). Un dernier contrepoint est consacré aux notices biographiques des personnages emblématiques des débuts de la Villeneuve cités au fil de son itinéraire.

Ce numéro s’achève sur le portrait de Patrick Boutin, ami de longue date de BazarUrbain, décédé en 2017.

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Nous éditons ce numéro presque quatre ans après le premier. Comme l’économie de cette publication repose intégralement sur du bénévolat et de l’autofinancement, cette production reste une gageure pour nous, en particulier en ces temps de turbulences. Mais c’est aussi une satisfaction et un plaisir car nous aimons partager ce qui nous tient à cœur dans nos pratiques et actions en tant que membres de BazarUrbain.

Bonne lecture !